Loi économie circulaire : le diagnostic « Produits-Matériaux-Déchets »

Théo Padovani 14/04/2020
Tête Bobi

Cet article est avant tout un rappel des différentes informations, parfois éparpillées, que l’on peut trouver aujourd’hui concernant la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, définitivement adoptée le 30 janvier 2020. Il constitue une brève synthèse et ne se substitue pas à une lecture plus approfondie des textes de lois et des différents -très bons- articles d’Elisabeth Gelot (1), spécialiste des questions juridiques ayant trait à l’économie circulaire dans le bâtiment.

Quelques éléments de contexte

Avant de présenter plus en détail les grands axes de cette nouvelle loi, rappelons qu’elle s’inscrit dans un cadre juridique en construction depuis deux décennies. A partir des années 2000, une directive européenne (2) a en effet fixé pour objectif un taux de valorisation de 70% (en masse) des déchets du BTP à l’horizon 2020. A l’heure du bilan, force est de constater qu’il n’est pas flamboyant; car si les importants tonnages réemployés en remblais par le secteur des TP gonflent -artificiellement ?- les résultats, le monde du bâtiment fait figure de mauvais élève en la matière.De plus, comme nous l’évoquions dans un article précédent (3), le diagnostic déchet, pourtant obligatoire depuis 2011 (4), demeure peu connu des maîtrises d’ouvrage, tout comme la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Ainsi, selon le rapport 2018 de l’ADEME, seulement 5% des opérations concernées par ces obligations respectaient la loi en fournissant ledit diagnostic ! (5)

Cette nouvelle loi porte donc l’ambition de renforcer les exigences actuelles en termes de réemploi tout en garantissant une application plus systématique des obligations légales en la matière. Deux idées phares structurent ce texte :

  • l’instauration d’un régime de Responsabilité Élargie des Producteurs (REP), que nous détaillerons dans un prochain article
  • la mise en place d’un diagnostic « déchets » plus efficient

Limites opérationnelles

Toutefois, malgré ce périmètre étendu et les avancées promises, certaines zones d’ombres viennent saper les ambitions originelles. Si la question du contrôle des futurs diagnostics était attendue par les acteurs du réemploi, l’absence de sanctions imposables semble « tuer dans l’œuf » ce futur diagnostic PMD. Difficile en effet de penser que cette carence persistante ne nous conduise pas aux mêmes écueils (5% des opérations respectant la loi actuelle, pour rappel…).

Le texte de loi reste également assez évasif quant aux professionnels qui pourront réaliser ces diagnostics. Si l’article en question dispose que ces agents devront présenter « des garanties de compétences », il faudra attendre le futur décret d’application pour connaitre la teneur de ces garanties, tout comme les assurances qui seront alors nécessaires.

Dernière ombre au tableau : la clarification en demi-teinte du statut de déchet que nous évoquions plus tôt. En effet, bien que la loi permette désormais d’éviter dès le chantier qu’un matériau acquiert ce statut si problématique de déchet, elle ne clarifie pas les compétences nécessaires pour effectuer ce premier tri. Si l’opérateur doit pour ce faire avoir « la faculté de contrôler les produits et équipements pouvant être réemployés » (7), aucune précision n’est faite concernant cette faculté. Par expérience, nous savons pourtant qu’estimer un potentiel de réemploi nécessite une large connaissance des filières disponibles et une veille constante des pratiques émergentes. De plus, comme le rappelait Rotor dans son ouvrage Déconstruction et réemploi (8), on observe d’importantes variations suivant la personne qui évalue les potentiels de réemploi. Il semble donc primordial que cette « faculté de contrôle » soit à l’avenir précisée par un cadre plus formel.

dépose soignée sur un chantier
©Réavie, dépose soignée d’un plateau de bureaux

Nos attentes en tant qu’acteur du réemploi

Tous les espoirs se tournent donc désormais vers ce que le décret d’application doit venir préciser, en particulier :

  • Quelles catégories de bâtiments seront concernées par ce futur diagnostic « Produits-Matériaux-Déchets » ? Si le périmètre est désormais étendu, comme le précise le texte, aux « rénovations lourdes », il est nécessaire de clarifier quelles opérations peuvent être ainsi qualifiées.
  • Quel sera le cadre, la trame commune à ces futur diagnostics « PMD » ? Rappelons à ce titre qu’actuellement, le flou entourant le contenu attendu d’un diagnostic « déchets » se retrouve dans la grande diversité des réponses proposées, ce qui n’aide pas la filière à gagner en crédibilité…
  • Quelles seront exactement ces « personnes physiques ou morales présentant des garanties de compétences et d’assurances » qui réaliseront ces diagnostics ?

Dernière question enfin : quand peut-on attendre ce décret ? Si la feuille de route transmise par le gouvernement précisait déjà que cela ne serait pas avant l’été, l’épidémie de Covid-19 risque de prolonger encore davantage notre attente. Selon Elisabeth Gelot, il faudra sans doute patienter jusqu’à l’hiver 2020 pour savoir si ce décret saura dissiper nos doutes et permettra de répondre de manière efficiente aux défis que nous tentons de relever.

En attendant la sortie des décrets, Bobi Réemploi anticipe d’ores et déjà les exigences futures en réalisant des diagnostics « déchets » et « ressources » : n’hésitez pas à nous contacter !

Sources

(1) Lien vers l’article d’Elisabeth GELOT sur le site matériauxréemploi.com, qui revient plus précisément sur le contenu de la loi
Lien vers la conférence qu’elle a donnée 15 avril 2020, en partenariat avec le site matériauxréemploi.com

(2) Art 11 Directive des Déchets, transposé à l’article L.541-1 du code de l’environnement.

(3) Lien vers l’article du blog de Bobi Réemploi au sujet du diagnostic des déchets issus de la démolition

(4) pour les bâtiments dont la surface brute est supérieure à 1000m2

(5) Rapport de l’ADEME concernant les télédéclarations des diagnostics déchets, 2018, p.8.

(6) Extrait de l’article L228-4 du code de l’environnement.

(7) Extrait de l’article 51 de la loi 2020-105 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

(8) Déconstruction et réemploi – comment faire circuler les éléments de construction, ROTOR, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2018, p.103.

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