Le réemploi de béton

Elsa Debauge 12/09/2023
Tête Bobi
©bellastock-la-fabrique-du-clos-stains-decoupe-beton

Un réel potentiel pour le réemploi de béton

En Europe, les déchets de béton représentent environ 30% de la masse totale des déchets1. De plus, si de nos jours, des solutions en béton recyclé se développent afin de limiter la quantité de déchets et d’éviter l’extraction de nouvelles ressources, le gain en émission de gaz à effet de serre par m3 de béton recyclé par rapport à un béton conventionnel est quasiment nul1. En effet, la quantité de ciment nécessaire pour produire 1m3 de béton recyclé est légèrement supérieure [environ 5% de plus] que pour un béton conventionnel pour obtenir les mêmes caractéristiques techniques2. Or, 98% des émissions de gaz à effet de serre du béton sont dues au ciment, même si ce dernier ne constitue qu’environ 11% de la masse d’un béton conventionnel3. D’un point de vue environnemental, il est donc pertinent d’aller vers une généralisation du réemploi de béton.

Une technique qui existe depuis des décennies

Comme pour beaucoup de matériaux de construction, le réemploi de béton existe depuis des décennies. En effet, en Allemagne, ce procédé a été utilisé, dans les années 1980 et 1990, pour des projets industriels mais également pour des projets plus petits de maisons1. L’agence d’architecture allemande, Architekturbüro Conclus, a effectivement développé au début des années 2000 un projet de construction de maisons individuelles dont la structure est constituée de dalles de béton préfabriqué issues de la démolition d’immeubles de logements collectifs à Berlin.

©Agence d’architecture Architekturbüro Conclus – Maison individuelle en béton de réemploi
©Agence d’architecture Architekturbüro Conclus – Maison individuelle en béton de réemploi4

Le réemploi de béton est malheureusement souvent délaissé au profit de l’utilisation de béton neuf. En effet, avant l’industrialisation, le réemploi était une pratique courante car l’extraction et la transformation des matières premières étaient plus onéreuses et plus longues. Or, de nos jours, les procédés de fabrication et d’utilisation du béton sont bien maitrisés rendant les coûts et les délais très attractifs. Le réemploi de béton, qui est très peu souvent mis en œuvre, nécessite des étapes supplémentaires à la fois en conception et sur les chantiers qui demandent une logistique différente par rapport aux techniques courantes de construction. Par simplicité, cette technique n’est donc pas privilégiée. Cependant, avec les enjeux climatiques actuels et la raréfaction des ressources, le réemploi de béton commence à revoir le jour sur certaines opérations.

Un élan actuel vers l’expérimentation

Ainsi, actuellement, certains se lancent dans le réemploi de béton. Bellastock a par exemple expérimenté diverses techniques de réemploi de béton dans le cadre du projet, La fabrique du Clos, au clos Saint-Lazare à Stains. Ils ont notamment réemployé des voiles bétons en murs séparatifs non porteurs, des voiles de refends en mur en lamelles de béton scié, ou encore des cloisons bétons en sols pavés de type Opus Incertum.

L’agence d’architecture suisse, FAZ Architectes, a également expérimenté le réemploi de béton pour la création de dallages pour deux projets dont celui du jardin botanique alpin où ils ont réalisé 140m² de dallage de béton de réemploi. L’architecte Anne-Lise Leymarie réemploie quant à elle, à travers son projet de recherche et développement, BEGO, des chutes de béton, issues par exemple de création d’ouverture en sous-œuvre, en les sciant en lamelles fines pour créer des plans de travail.

©Bellastock, la Fabrique du Clos, Stains – Murs en lamelles de béton sciés
©Bellastock, la Fabrique du Clos, Stains – Murs en lamelles de béton scié5
©FAZ architectes, Jardin botanique alpin et stade des Arbères, Meyrin (Genève) – Dallage en béton de réemploi
©FAZ architectes, Jardin botanique alpin et stade des Arbères, Meyrin (Genève) – Dallage en béton de réemploi6
©BEGO – Plans de travail en béton de réemploi
©BEGO – Plan de travail en béton de réemploi7

Une filière à développer

Toutes ces initiatives actuelles et passées prouvent que le réemploi de béton est possible. Cependant, cette filière n’est pas encore très développée. Cela induit des coûts encore élevés qui sont liés notamment au coût de sciage des bétons. Une des pistes pour optimiser le réemploi de béton est la massification, en cherchant à réemployer des éléments de grandes dimensions ou en série.


De plus, le réemploi de béton nécessite une démarche rigoureuse de vérifications des caractéristiques du béton notamment pour le réemployer en tant qu’élément structurel. Cette caractérisation passe par des tests sur des échantillons de béton pour vérifier par exemple la résistance à la compression du béton, la masse volumique et la porosité du béton, la densité d’armatures, la résistance en traction des aciers, l’enrobage des aciers… Il faut effectivement s’assurer que les caractéristiques techniques du béton en place sont adaptées à l’usage futur visé. Il est plus aisé de commencer par du réemploi non structurel. Cette démarche nécessitera moins de vérifications et peut être privilégiée dans un premier temps.


Enfin, la filière n’étant que peu développée, les porteurs de projet ainsi que l’ensemble des acteurs impliqués dans la démarche devront être engagés et motivés pour que le réemploi puisse voir le jour. Cela va effectivement nécessiter des démarches plus importantes que dans le cas d’utilisation de béton conventionnel mais plus les expériences vont se multiplier plus la démarche sera simple.

Conclusion

Cette filière a en tout cas un grand avenir et ne doit plus être mise de côté comme ce fut le cas par le passé au profit du béton neuf. L’enjeu est de parvenir à faire de cette ressource, dont nous disposons en masse, un nouveau composant du bâti de demain. Cela constituera une avancée nécessaire d’un point de vue environnemental et cela permettra aussi de sublimer les traces de notre passé.

Bibliographie & Sitographie

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