Quel lien entre réemploi, carbone et réchauffement climatique ?

Sophie Lambert 26/08/2020
Tête Bobi
Animation d’une fresque du climat par Sophie lors d’un événement associatif à la Commune

D’une façon assez évidente, la pratique du réemploi contribue à réduire les déchets liés au secteur du bâtiment et à réduire l’extraction de ressources. Mais cela contribue également à réduire nos émissions de CO2 qui sont responsables du réchauffement climatique !

Nous vous expliquons dans cet article le lien entre carbone, réchauffement climatique et réemploi. Nous nous inspirons ici du très bon travail réalisé par l’association la fresque du climat (dont Sophie a suivi la formation d’animation). Vous ne connaissez pas la fresque ? Il s’agit d’un jeu collaboratif ludique qui permet de comprendre les tenants et les aboutissants du réchauffement climatique et ainsi de se mettre en mouvement ! Cette fresque est réalisée par l’association en milieu scolaire, associatif et professionnel.

Quelles sont les principales causes des émissions de carbone ?

On parle aujourd’hui souvent d’impact ou d’empreinte carbone, mais cette notion reste relativement abstraite. Lorsque l’on réalise une analyse de cycle de vie dans le bâtiment, on parle d’indicateur de réchauffement climatique qui est mesuré en kg CO2 équivalent.

Il s’agit en fait de mesurer les émissions de gaz à effet de serre, le CO2 étant le gaz émis majoritairement. Pour plus de simplicité, les autres gaz à effet de serre (principalement méthane CH4 ou protoxyde d’azote N2O) sont mesurés en « équivalent CO2 » : c’est-à-dire qu’en fonction de la durée de vie du gaz et son intensité à réchauffer l’atmosphère (on parle de Potentiel de Réchauffement Climatique – PRG), un coefficient de conversion est défini. Par exemple si l’on considère une période de 100 ans, 1 kg de méthane équivaut à environ 25 kg de CO2.

Comment ces différents gaz sont émis ? Le CO2 est principalement émis par la combustion d’énergies fossiles mais aussi par la déforestation. Le méthane est émis lorsqu’il y a une décomposition anaérobie (sans oxygène), comme par exemple dans la panse des vaches, dans les rizières couvertes d’eau ou dans les décharges où l’oxygène n’atteint pas le fond du tas. Le protoxyde d’azote est émis lors de l’utilisation d’engrais azotés agricoles et de la production d’aliments pour le bétail.

Dans le cas de la construction, c’est donc principalement la combustion d’énergies fossiles qui est responsable des émissions du secteur. Cette combustion a lieu lors de différentes étapes :

  • la fabrication des matériaux dans divers process industriels
  • le transport des matériaux de l’usine au chantier
  • la mise en œuvre des matériaux qui nécessitent des engins fonctionnant avec des énergies fossiles
  • l’entretien des matériaux qui nécessite également l’utilisation d’énergies fossiles
  • la démolition du bâtiment qui est réalisée à l’aide d’engins et le transport des déchets

Le secteur du bâtiment comptabilise également les émissions de CO2 liées au chauffage et refroidissement des bâtiments lors de leur exploitation.

Construction 21, Cycle de vie d’un bâtiment
©Construction 21, Cycle de vie d’un bâtiment

Le rôle majeur du carbone dans le réchauffement climatique

Pourquoi le CO2, le méthane, le protoxyde d’azote et d’autres sont-ils nommés « gaz à effet de serre » ? Tout simplement parce qu’ils contribuent à augmenter l’effet de serre naturel en retenant le rayonnement infrarouge émis par la terre (voir schéma ci-dessous).

La Fresque du climat, Carte du jeu « La Fresque du Climat » expliquant l’effet de serre additionnel
© La Fresque du climat, Carte du jeu « La Fresque du Climat » expliquant l’effet de serre additionnel

L’effet de serre est bien naturel car la vapeur d’eau est le premier gaz à effet de serre naturel qui permet que notre planète soit vivable (il ferait 33°C de moins sinon !). Cependant nos activités humaines ont considérablement augmenté la quantité de gaz à effet de serre et le rayonnement retenu sur terre est de plus en plus important. Cette différence entre l’énergie reçue par la terre et l’énergie réémise s’appelle le « forçage radiatif ». Il mesure aujourd’hui 2,3 W/m² (donnée du cinquième rapport du GIEC) alors qu’il était inférieur à 1 W/m² avant 1950 et proche de 0 W/m² avant la révolution industrielle.

Nos activités ont changé l’équilibre qui permettait jusqu’ici d’avoir simplement une planète vivable pour avoir une planète qui se réchauffe trop fortement et met en péril notre mode de vie.

Il suffit donc de réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? Oui mais il faut le faire vite ! En effet, il existe des « boucles de rétroactions », des effets de seuils à ne pas franchir pour ne pas risquer des emballements. Par exemple, le permafrost, qui désigne le sol gelé en permanence (principalement en Sibérie), relâche du méthane et du CO2 lorsqu’il se dégèle. Au-delà de 2°C de réchauffement, le dégel va s’accélérer et donc les émissions dues à ce phénomène vont fortement augmenter et ainsi de suite…

Réemployer pour réduire l’impact carbone du secteur du bâtiment

Vous l’aurez compris, la lutte contre le réchauffement climatique se joue donc aujourd’hui. Il n’y a malheureusement pas de solution miracle et unique, même si certaines démarches ont plus d’impact que d’autres. Il faut multiplier les actions dans différents secteurs, et le bâtiment représente un enjeu important avec près d’1/3 des émissions de CO2 en France (compris la fabrication des matériaux).

Tout d’abord, il y a une importante action à mener sur la rénovation énergétique du patrimoine existant. On sait aujourd’hui construire des bâtiments qui consomment peu d’énergie en exploitation, mais le renouvellement du parc existant est très lent, la priorité doit donc être mise sur la rénovation. C’est d’ailleurs la tendance insufflée par la législation avec le décret tertiaire qui est paru en octobre 2019. Ce décret requiert une réduction de 60% des consommations énergétiques du parc tertiaire d’ici 2050.

Mais les consommations énergétiques en exploitation ne font pas tout ! Comme nous l’expliquions déjà dans notre article sur l’analyse de cycle de vie, l’empreinte carbone d’un bâtiment construit aujourd’hui est principalement due à la phase de travaux (environ 2/3 des émissions, voir l’étude de l’OID et le graphique ci-dessous).

OID, Impact carbone bâtiment, 2019
©OID, Impact carbone bâtiment, 2019

Le réemploi est un des moyens permettant de réduire cette empreinte carbone. En réemployant des matériaux in situ ou issus du territoire, les émissions dues au process de fabrication des matériaux et au transport des matériaux et des déchets, seront évitées. Et ces émissions ne sont pas négligeables…

Dans un prochain article, nous vous présenterons les calculs que nous avons effectués sur un projet de rénovation d’appartement avec du réemploi, réalisé par Maëlle Architecture. Vous aurez ainsi quelques ordres de grandeurs qui montrent que le réemploi est l’avenir de la construction !

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