L’économie circulaire, clé de la transition écologique ?

Le 10 juillet dernier, la secrétaire d’Etat à la transition écologique et solidaire, Brune Poirson, présentait le projet de loi relatif à l’économie circulaire en conseil des ministres (1). L’occasion de faire mieux connaître au grand public ce principe encore peu intégré, souvent résumé au simple recyclage. 

Qu’est-ce que c’est l’économie circulaire ?

L’économie linéaire

Aujourd’hui, la majorité de notre système économique fonctionne de façon linéaire :

  • Extraction des ressources, qui peuvent être renouvelables (comme le bois) ou pas (comme le pétrole),
  • Transformation des ressources en produit,
  • Vente/Consommation des produits,
  • Élimination des produits (déchetterie).
Schéma de l'économie linéaire de l'extraction à l'élimination
L’économie linéaire – système de production actuel

Le cercle vertueux de l’économie circulaire

Globalement, l’économie circulaire cherche à rendre notre système vertueux en transformant nos déchets en ressources. Cela permet donc de boucler la boucle et ainsi limiter notre impact environnemental. Deux étapes clés sont en jeu : moins d’extraction et moins de déchets à traiter. Ce sont Michael Braungart et William McDonough qui ont vulgarisé cette notion dans leur ouvrage Cradle to Cradle, Créer et Recycler à l’infini (2). Ils ont par ailleurs créé un label permettant de valoriser les initiatives d’économie circulaire.
Schéma détaillé de l'économie circulaire
Les 7 piliers de l’économie circulaire – source : ADEME

Les 7 piliers de l’économie circulaire

Plus précisément, l’économie circulaire s’appuie sur 7 piliers afin de réduire notre impact tout au long du cycle de vie d’un produit (3) :

1 – Avoir un approvisionnement durable, c’est-à-dire local, avec des ressources renouvelables ou issues du recyclage. C’est le cas de matériaux de construction comme le pisé, utilisé sur le projet de l’ilot B2 à la Confluence.

2 – Eco-concevoir, en limitant les déchets en amont. Dans le bâtiment, cela peut être par exemple le fait de livrer des plateaux de bureaux sans moquette. En effet celle-ci est systématiquement changée par les preneurs à leur arrivée et donc jetée à la benne.

3 – Développer l’écologie industrielle et territoriale, c’est-à-dire créer des synergies locales entre les acteurs industriels. Cela peut se faire en utilisant les déchets d’une industrie en tant que matières premières pour une autre.

4 – Développer l’économie de fonctionnalité, c’est-à-dire favoriser les offres de services à la place des offres de consommation de produits. On peut prendre l’exemple des Vélo’v à Lyon qui permettent de louer des vélos au lieu d’en acheter.

5 – Consommer de façon responsable, en prenant en compte les externalités négatives de nos produits.

6 – Allonger la durée d’usage, via la réparation, l’achat d’occasion, ou le réemploi. Le réemploi de matériaux dans le BTP en est un exemple. En réemployant des matériaux issus de la déconstruction on réduit les déchets et on limite l’extraction de ressources.  

7 – Recycler, tout en priorisant les actions précédentes. Le recyclage ne doit avoir lieu qu’en dernier recours. En effet, le recyclage implique généralement de grosses infrastructures industrielles qui consomment beaucoup d’énergie.

Et dans le BTP, où en est-on ?

Le secteur du BTP est l’un des plus gros producteurs de déchets, avec 220 Mt en 2014 (source : ministère de la transition écologique), dont 42 Mt concernant uniquement le bâtiment. Il serait donc attendu que la majorité des efforts réalisés aujourd’hui se tournent vers cette filière. Certes, des progrès ont été réalisés, mais on en est encore aux balbutiements de l’économie circulaire dans le BTP. En voici quelques exemples :
Photo d'une benne DIB sur un chantier
Benne sur un chantier

Valorisation des gravats

Aujourd’hui environ 60 % des gravats sont valorisés (chiffres ADEME 2018). Ils sont concassés en granulats puis réutilisés, majoritairement dans les sous-couches routières.  Depuis peu, les granulats recyclés sont aussi utilisés dans les bétons (4). 

Développement de filières de matériaux biosourcés

Encore perçu comme anecdotique il y a quelques années, aujourd’hui le bois est LE matériau de construction du moment. Cela est notamment dû à son faible impact carbone tout au long de son cycle de vie (5). Son développement montre la voie pour tous les autres matériaux biosourcés, comme par exemple la paille. En témoigne la construction à venir d’un lycée dans l’agglomération clermontoise en structure bois et isolation paille par Eiffage construction. 

Émergence du réemploi de matériaux issus de la déconstruction

Le réemploi de matériaux issus de la déconstruction fait encore face à beaucoup de freins normatifs et assuranciels. Cependant l’intérêt des maitres d’ouvrage pour ce « nouveau » procédé de construction est grandissant, tellement l’impact environnemental de la démolition est pointé du doigt. Le site materiauxreemploi.com référence les projets réalisés et les différentes initiatives sur le territoire français. 

L’économie circulaire, un cercle vertueux ?

Un changement de process uniquement

A priori, l’économie circulaire semble être aujourd’hui la réponse parfaite aux enjeux écologiques. Elle permet aux acteurs économiques de continuer leur activité, en changeant principalement leurs façons de s’approvisionner et de concevoir. Cela contribue à réduire l’impact de l’activité humaine sans pour autant remettre en question tout le fonctionnement de notre société, ce qui est plutôt rassurant. Cependant, poussons la réflexion un peu plus loin : est-ce suffisant face aux enjeux ?

La démarche de la sobriété

L’association Négawatt (6), composée d’experts du secteur de l’énergie, étudie les solutions à mettre en œuvre en France pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, dans les activités liées à la production et la consommation d’électricité. Leur conclusion est que le principal levier d’action est la sobriété. C’est en réduisant nos besoins de consommation que nous pouvons agir le plus rapidement, comme par exemple en réduisant la surface de nos logements (en augmentant la part d’habitat collectif face à la part de maisons individuelles). C’est en effet un changement plus brutal dans notre société mais qui n’est pas non plus hors de portée compte-tenu de la prise de conscience rapide du grand public des enjeux environnementaux.

Synthèse de la démarche Négawatt
Démarche Négawatt

Par ailleurs, le philosophe Dominique Bourg va même plus loin dans la critique de cette notion d’économie circulaire qui pour lui n’est pas du tout un progrès. D’après lui, le cycle n’est jamais une boucle parfaite, et il s’agit en général de seulement réduire certains impacts tout en continuant à développer d’autres industries polluantes (7).

Chez Bobi Réemploi, nous pensons que l’économie circulaire est une première étape importante mais pas suffisante. C’est pourquoi nous sommes convaincus qu’il est indispensable de changer aussi les mentalités pour aller vers plus de sobriété : pourquoi démolir un bâtiment au lieu de le réhabiliter si c’est possible ?  

Et vous, quel est votre avis sur la question ?

Sources :

(1) https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/loi-anti-gaspillage

(2) http://www.editionsalternatives.com/site.php?type=P&id=1010

(3) https://www.ademe.fr/expertises/economie-circulaire

(4) https://bybeton.fr/grand_format/recycler-beton-beton-2

(5) https://www.fibois-aura.org/construction/les-atouts-de-la-construction-bois/

(6) https://negawatt.org/La-demarche-negaWatt

(7)https://usbeketrica.com/article/dominique-bourg-l-economie-circulaire-ne-constitue-pas-une-demarche-de-progres